Apparue avec des plateformes comme Deezer ou Spotify, la musique diffusée en streaming, gratuitement dans les années 2000, va progressivement s’orienter vers des offres payantes, en mettant en avant une plus grande qualité d’écoute. Pour le grand public, il s’agit d‘une vraie révolution dans la manière d’écouter ces titres préférés, après celle du mp3 qui avait chamboulé durant les années 2000, l’industrie musicale.
De 2013 à 2014, les plateformes ont connu une croissance exponentielle autant en nombre d’abonnés que d’acteurs présents sur ce marché. En effet, il existerait à travers le monde plus de 400 plateformes et avec l’arrivée de géant comme Google ou Apple, la concurrence n’a pas fini de faire monter la pression.
Si le consommateur en sort grand gagnant avec des abonnements mensuels à moins de 10 euros, soit moins que le prix d’un album CD lors de sa sortie, l’accès à un vaste catalogue comprenant la majorité des dernières titres sorties, et que les sociétés à la tête de ces plateformes récoltent de confortables bénéfices, qu’en est-il en revanche de la rémunération des maisons de disques et surtout des artistes ?
Le constat est sans appel.
Les artistes sont bien la dernière roue du carrosse avec une rémunération évaluée sur une plateforme comme Spotify à 0,006 dollars par écoute et encore ce chiffre est à prendre avec des pincettes, se basant sur une moyenne globale incluant aussi bien des stars comme David Guetta ou Rihanna, que des artistes indépendants. Et rien ne dit qu’avec la pression qu’exercent des groupes comme Google avec son service Youtube Music Keys sur les maisons de disque que les rémunérations n’iront pas en s’amenuisant.
En Angleterre, pourtant pays très prolifique en terme de production musicale, les anglais ne seraient plus que un sur 3 à acheter de la musique. Aux Etats-Unis le panier moyen annuel serait de 25 dollars. Dans de nombreux pays, cela se ressent sur les chiffres des ventes. Ainsi aujourd’hui, en Espagne, il suffirait de vendre 800 albums pour être à la première place du top et les téléchargements légaux diminuent également, iTunes ayant enregistré 13% de vente en moins en 2014. Enfin, concernant la France, il s’est vendu 20% d’albums et singles en moins sous une forme numérique au premier semestre.
Aujourd’hui, il n’est donc pas rare d’entendre des artistes comme Lady Gaga se plaindre des ravages fait par les plateformes de streaming, alors que son dernier album, « Born This Way », a pourtant fait d’excellents scores en terme d’écoute lors de sa sortie fin 2013.
A titre d’exemple, pour 1 million d’écoutes, 7000 dollars sont perçus par les ayants-droits incluant tous les acteurs ayant participé à la production.
Si certains artistes ont décidé d’enlever leurs productions des catalogues de ces plateformes à l’exemple de Taylor Swift, qui a pulvérisé pourtant des records de vente d’albums, l’immense majorité est aujourd’hui pieds et poings liés aux majors et même les grosses stars qui auraient pourtant les moyens de se détacher ne le font pas.
Un retour vers le marchandising.
Pour compenser les pertes, les artistes de manière générale se tournent vers le marchandising et surtout les concerts et les différentes scènes. Mais outre le fait que le prix des billets peut vite s’envoler, surtout pour des vedettes particulièrement reconnues, se rendre à un concert est une démarche qui n’est pas donnée à tout le monde et surtout à la première cible, la jeunesse. Quant aux artistes eux-mêmes, réaliser un concert a un coût loin d’être négligeable et l’investissement en temps et en argent n’est pas le même que produire un album, surtout pour ceux qui n’ont pas une grosse notoriété et donc pas forcément le soutien d’un label pour gérer leur carrière et s’occuper de les placer.
Jean-Michel Jarre, qui a connu toute les révolutions de l’industrie musicale des 45 tours, 33 tours et cassettes dans les années 70-80 puis des CD dans les années 90-2000, du téléchargement débridé tout au long des années 2000 et enfin du streaming plus récemment, s’exprimait ainsi : « L’idée de posséder la musique n’a plus lieu d’être. Le streaming a tué l’idée de payer pour la musique ».
Comme de plus en plus d’acteurs dans le monde de la musique, celui-ci appelle à une prise de conscience générale, seul moyen de conserver une richesse dans les productions et à une modification des règles actuelles. En particulier, il souhaiterait que soit mise en place un dispositif plus équitable comme cela peut l’être avec les redevances provenant des radios. Même constat du côté de l’ADAMI, principal gestionnaire des droits des artistes et musiciens-interprètes en France, qui n’a pas hésité à pousser un coup de gueule à ce sujet tout récemment.
Les adeptes du streaming musical.
Pourtant le streaming musical n’a pas que des détracteurs, à l’exemple de Bono, chanteur du groupe U2 qui soutient la plateforme Spotify, estimant que ces services sont un bon moyen de toucher un large public. Même son de cloche de la part de Quincy Jones, producteur de nombreux tubes de Michael Jackson, qui n’hésiterait pas aujourd’hui à mettre l’album « Thriller » sur la plateforme suédoise.
Après Google, l’évènement le plus attendu pour 2015 est l’arrivée du géant Apple sur ce marché, suite à son rachat de la société Beats et de son service de streaming pour 3 milliards de dollars courant 2014.
Si l’année 2015 s’annonce donc radieuse pour les services de streaming, la situation devrait être beaucoup plus compliquée pour l’industrie musicale qui s’attend à voir ses résultats continuer à se dégrader, comme le confirme Pascal Negres, PDG de Universal Music France.
Après une année 2013 qui a été exceptionnelle, puis une année 2014 plus morose, les professionnels s’attendent à ce que la croissance ne revienne véritablement qu’à partir de 2017-2018, une fois que le marché se sera complètement converti au numérique.